Les principaux enjeux de l’action de groupe


Une réalité trop connue

Depuis des décennies, de nombreuses enquêtes menées par des organismes tant nationaux qu’européens et internationaux ont mis en évidence la fréquence des contrôles d’identité, palpations et fouilles discriminatoires visant les jeunes hommes issus des minorités visibles. L’étude de référence sur ces pratiques –« Police et Minorités Visibles »- a été menée en 2011 par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français et publiée par l’Open Society Justice Initiative. Basée sur une méthodologie scientifique rigoureuse, elle a permis de confirmer que les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou paraissent être. Les individus perçus comme « noirs » et ceux perçus « arabes » étaient respectivement 6 et 8 fois plus contrôlés que les personnes d’apparence blanche.
Une enquête du Défenseur des Droits (2017) montre que les hommes perçus comme noirs ou arabes apparaissent cinq fois plus concernés par des contrôles fréquents . Si l’on prend également en compte la tranche d’âge, on constate que « 80 % des personnes correspondant au profil de « jeune homme perçu comme noir ou arabe » déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années (contre 16% pour le reste des enquêté.e.s). Par rapport à l’ensemble de la population, et toutes choses égales par ailleurs, ces profils ont ainsi une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés » En juin 2020, l’ONG Human Rights Watch (HRW) publie, au terme d’une enquête rigoureuse, un rapport accablant, intitulé « Ils nous parlent comme à des chiens » contrôles de police abusifs en France », dans lequel de jeunes garçons français noirs ou arabes témoignent des contrôles d’identité discriminatoires dont ils ont été victimes, parfois dès l’âge de 12 ans.
Il existe une multitude d’autres rapports qui documentent l’existence et l’ampleur de ces pratiques, entre autres :
Des contrôles inefficaces aux impacts dévastateurs
De nombreuses études et récits de personnes contrôlées décrivent les effets dévastateurs des contrôles au faciès et des pratiques souvent illégales -fouilles, palpation, tutoiement- qui les accompagnent.

Humiliation, stigmatisation
Peur et insécurité permanente dans l’espace public
« Les contrôles répétés (..) ont créé un grand sentiment d’insécurité sur la voie publique. (…) Comment faire lorsque ceux qui sont censés nous protéger nous harcèlent et nous maltraitent ».
« Il y a des questions [lors de ces contrôles], je ne vois pas le sens. « Vous êtes né où ? » quand il a ton passeport. Ou « vous êtes Français ? ». Tout un tas de questions qui t’excluent quand même de la communauté. » « Ces contrôles au faciès « maintiennent, confirment, un statut à part de sous-citoyen. Ca rend impossible l’unité. Ca rend impossible l’intégration. Ca rend impossible le fait pour les jeunes de quartier, « issus de l’immigration » comme on dit, ceux qui sont visiblement d’ascendance africaine, de se sentir appartenir au reste du pays ».
Perte de confiance dans les institutions qui menace la cohésion nationale
Ces contrôles ont aussi des effets dévastateurs sur les proches et les familles des personnes contrôlées
« En tant que maman (…), ces pratiques génèrent chez moi une grande angoisse à chaque fois que je sais mon fils en ville. J’ai peur qu’il soit placé en garde à vue, qu’il finisse par avoir un casier judiciaire, peur du dérapage, de la bavure, peur qu’il ne rentre pas intact ou qu’il ne rentre pas tout simplement »,
Des contrôles contre-productifs
A long terme, les contrôles au faciès détruisent la confiance entre la police et une partie de la population.
Des contrôles inefficaces
Alors que les effets contre-productifs des contrôles sont largement documentés, il n’existe aucune preuve de leur efficacité sur la prévention et la recherche d’infractions.
En France, l’absence de statistiques nationales en matière de contrôles d’identité empêche toute possibilité de démontrer leur prétendue efficacité en matière lutte contre la délinquance.
Quelques expériences étrangères prouvent l’inefficacité de tels contrôles :
Aux États-Unis, de nombreuses études démontrent l’inefficacité des contrôles au faciès, autant que l’efficacité croissante de l’activité policière, quand les contrôles sont fondés sur des critères plus pertinents (comportementaux, renseignements à jour).
Un exemple. En 1998 , les services douaniers des États-Unis ont modifié leurs procédures de contrôles pour éviter les biais discriminatoires et se fonder sur des critères liés au comportement des individus. A cette époque, 43 % des fouilles effectuées par les douanes concernaient des Afro-Américains ou des Américains d’origine hispanique. Dès l’année 2000, les disparités liées à l’origine ethnique en termes de fouilles aux douanes ont quasiment disparues. Les douanes effectuent désormais 75 % de fouilles en moins, et pourtant leur taux de succès est passé dans le même temps de moins de 5 % à plus de 13 %.